LE FIL CONDUCTEUR DE SOURATE BAQARA

Quand on lit le Coran, souvent ça parle d’un sujet puis d’un autre puis d’un autre et on ne voit pas de lien entre ces différents sujets. Or il n’est pas possible qu’Allah le Très Haut nous parle d’une façon incohérente et sans suite. Il y a donc une construction et une logique à travers chaque sourate et à travers le Coran que j’appelle le fil conducteur. Sourate Baqara est la plus longue sourate et parle de nombreux sujets très variés ; nous allons chercher in cha Allah la cohérence et le fil conducteur à travers cette sourate.

I LES GENS

L’élément qui va élucider toute la sourate est le contexte. Le contexte est une notion différente des « asbab annouzoul » : les causes de la révélation qui sont un évènement qui se produit du temps du prophète (s) et Allah descend des versets à ce sujet. Par contre, même s’il n’y a pas un incident auquel le Coran fait allusion, il y a toujours le contexte, le niveau d’avancement des sahabas dans l’Islam en fonction duquel le Coran vient apporter l’étape éducative suivante.

Sourate Baqara a été révélée à l’arrivée du prophète (s) à Médine. A son arrivée, sourate Almoutaffifine – les tricheurs - a été la première à être révélée car il y avait au marché de Médine l’habitude de tricher dans la pesée et Allah corrigea cela. Ensuite sourate Baqara a été révélée, donc si on laisse entre parenthèses la petite sourate Moutaffifine, on peut dire que la Baqara a été révélée à l’arrivée du Prophète (s) à Médine.

1 Les hypocrites

Pour cela au début de Baqara Allah partage l’humanité en trois groupes : les croyants, les mécréants et les hypocrites, et Allah parle peu des croyants, peu des mécréants et beaucoup des hypocrites.

Pourquoi ? Parce qu’à la Mecque il y avait les croyants et les mécréants mais il n’y avait pas d’hypocrites. Quiconque manifestait son adhésion à l’Islam était torturé et persécuté, parfois même tué comme les parents de Ammar Ibn Yasir. Donc personne ne faisait semblant d’être musulman, au contraire c’étaient les musulmans qui pouvaient cacher leur foi, comme l’histoire de Khabbab Ibn Alaratt qui vient en pleurant chez le prophète (s) et dit : « Les mécréants n’ont pas cessé de me torturer jusqu’à ce que j’ai dit ce qu’ils voulaient : que j’acceptais les idoles et je t’ai critiqué ! » Le prophète (s) dit : « Et comment est ton cœur ? » Il dit : « La foi est intacte dans mon cœur ». Il dit : « Alors s’ils recommencent dis la même chose ». Ainsi Allah dit d’eux : « Quiconque renie Allah après avoir eu la foi – sauf celui qui est contraint et la foi est intacte dans son cœur –, sur eux la colère de leur Seigneur » (16/).

Il y avait deux tribus arabes à Médine : les Aws et les Khazraj en conflit depuis des générations. Avant la venue du prophète (s), ils se sont mis d’accord pour s’unir sous l’autorité d’un roi, en l’occurrence Abdallah Ibn Oubay Ibn Saloul, et lui avaient même préparé sa couronne. Mais quand le prophète (s) arriva, ce projet fut abandonné et les arabes suivirent le prophète (s). Abdallah fit alors semblant de se convertir ; devant les musulmans, il encourageait à suivre le prophète (s) et quand il se retrouvait avec ses fidèles, ils critiquaient l’islam et les musulmans. Allah décrit donc ces hypocrites au début de sourate.

2 Ô gens !

Ensuite Allah lance un appel aux gens toutes catégories confondues : « Ô gens, adorez votre Seigneur qui vous a créés ». Quels sont les gens présents en ce moment à Médine ? Les musulmans composés des mouhajirins, émigrants de la Macque et des ansar de Médine, les arabes encore idolâtres, mais au fil du temps ils vont tous se convertir assez rapidement à l’Islam et il ne restera plus d’idolâtrie à Médine, les hypocrites autour d’Abdallah Ibn Oubay Ibn Saloul et enfin les juifs : il y avait trois tribus juives à Médine et très peu de juifs se convertirent à l’Islam. Donc Allah appelle tous ces gens à l’adorer seul car il est le seul Créateur et Bienfaiteur et à suivre son prophète : « Et si vous doutez de ce que nous avons révélé à notre serviteur amenez donc une sourate pareille » ; voila la preuve de sa véracité : le Coran, parole d’Allah inimitable. En ces premiers temps à Médine le prophète (s) et les sahabas autour de lui étaient affairés à rallier à l’Islam tous les habitants de Médine, en visitant et prêchant ; comme cité, l’idolâtrie prit fin, mais il resta les hypocrites et les juifs.

3 Adam alayhi salam

Ensuite Allah raconte le récit d’Adam alayhi salam pour dire aux gens que quelle que soit votre diversité, voici votre origine à tous et le début de votre histoire : « Et quand ton Seigneur dit aux anges je vais mettre un calife sur terre ». Le calife est le remplaçant, comme un chef d’état place un gouverneur sur une province ou désigne un remplaçant en son absence ou un successeur après son départ. Cette immense place qu’Allah a donnée à l’Homme ne doit laisser aucun de nous insensible. La capacité qu’Allah a mis en l’Homme est illimitée, comme il dit dans le hadith Qoudoussi : « Je suis avec Mon serviteur comme il m’estime », ça signifie qu’Allah ne te décevra jamais, quels que soient tes ambitions et tes espoirs, tes défis et tes difficultés, si tu es droit avec Allah comme Il le demande Allah t’exaucera et manifestera Sa puissance à travers toi. Avec ce potentiel qu’Allah a mis en l’Homme, chacun de nous doit se dire : ce que j’ai pu réaliser et atteindre dans ma vie, je vaux mieux que cela ; si je fais plus d’efforts je peux aller beaucoup plus loin.

Ensuite pour réaliser ce califat, Allah donne à Adam deux choses. La première est la science : « Et Il enseigna à Adam tous les noms ». La science multiplie la valeur et le potentiel de l’homme, que ce soit la science de la religion ou les autres. Aussi l’Islam nous exhorte-t-il à rechercher constamment la science et j’encourage tous mes lecteurs à toujours avoir un livre à lire : chaque fois que tu finis un livre, prends un autre, en plus des autres moyens pour acquérir la science. La seconde est la spiritualité en ordonnant aux anges de se prosterner devant Adam, donc la valeur spirituelle de l’homme peut dépasser celle des anges, créés de lumière et purs de toute souillure. Nous devons donc travailler la purification de nos âmes, le détachement de ce bas monde, la sincérité, l’amour du prochain, la crainte et l’amour d’Allah jusqu’à atteindre les prières exaucées, l’amour et la proximité d’Allah.

Mais ensuite arrive le péché qui détruit tout ce beau potentiel qu’Allah a donné à l’homme et Allah ajoute une troisième chose à notre père Adam alayhi salam : le repentir. Donc à nous de nous corriger constamment et de nous améliorer car les péchés, les erreurs, les négligences et les lacunes ne manquent pas et nous devons être en lutte perpétuelle pour nous améliorer. Voici la première partie de Baqara qui traite d’un sujet : les hommes.

II LES FILS D’ISRAËL

Ensuite commence la deuxième partie de Baqara qui parle des fils d’Israël. Quel est le lien avec la première partie ? Il y en a deux :

1 Prêcher les juifs

Le premier objectif est de cibler la daâwa qui était générale pour les hommes sur les juifs particulièrement. Les musulmans ne connaissaient pas les juifs auparavant car il n’y en avait pas à la Mecque, donc Allah leur explique l’histoire des juifs et comment les prêcher. Allah rappelle Ses bienfaits envers les juifs et leurs engagements envers Lui, comment Il les a élevés quand ils étaient dans la droiture et combien leurs désobéissances leur ont coûté, nous avons détaillé cela dans les 5 histoires où Allah ressuscite les morts. Devant leur refus, Allah rappelle : « Et quand un livre venant d’Allah et confirmant ce qui leur a été révélé leur vint, alors qu’ils annonçaient [sa venue et] leur victoire auparavant, quand arriva celui qu’ils reconnurent, ils le renièrent » (88). Les juifs annonçaient aux arabes qu’un prophète devait bientôt arriver à Médine même, que cela était écrit chez eux et qu’ils allaient le suivre, combattre les arabes et les battre ; mais quand il arriva, à leur grande surprise ce fut un arabe au lieu d’un juif et bien qu’ils fussent certains que c’était le prophète envoyé par Allah qu’ils attendaient, ils refusèrent de le suivre car il n’était pas des leurs.

Une fois, une délégation des savants juifs vint voir le prophète (s) pour lui dire : « Tu es venu ici, tu dis que tu es prophète, nous voulons te poser des questions pour vérifier que c’est bien vrai ». Le prophète (s) les laissa poser toutes leurs questions et toutes les réponses qu’il donnait étaient les bonnes. Ils demandèrent à la fin : « Mais l’ange qui t’amène ces révélations, qui est-il ? Il dit : C’est Jibril alayhi salam. Ils dirent : Ah, non, nous ne pouvons pas suivre Jibril, car chaque fois qu’Allah nous punissait de nos péchés, il envoyait Jibril pour nous punir, donc nous ne pouvons pas le suivre. Si seulement c’était Mikaïl nous aurions pu te suivre ». Allah dit alors : « Dis : celui qui est ennemi de Jibril, il l’a descendu sur ton cœur par l’ordre d’Allah, confirmant ce qui avait précédé, guide et bonne nouvelle pour les croyants » (96). C’est Allah qui a envoyé Jibril, donc celui qui est contre Jibril est contre Allah.

Le dernier argument qu’Allah donne aux juifs est l’histoire d’Ibrahim alayhi salam : n’est-ce pas que vous vous réclamez être les descendants d’Ibrahim ? N’est-ce pas Ibrahim avec son fils Ismaïl qui ont construit la Kaâba ? Et il a demandé à Allah de lui accorder une communauté croyante de sa descendance et de leur envoyer un prophète pour leur enseigner le Livre et la sagesse et les purifier ; voici la communauté et voici le prophète. Jusqu’à ce qu’Allah dise : « Ou bien étiez-vous présents quand au moment de mourir Yacoub dit à ses enfants : qu’adorez-vous après moi ? Ils dirent : nous adorons ton Dieu et le Dieu de tes pères Ibrahim, Ismaïl et Ishaq » (132). Voici Yacoub, Israïl en hébreu, qui demande à ses douze fils qui donnèrent les douze tribus d’Israël ce qu’ils vont adorer après sa mort et ils répondent attestant que le Dieu de Yacoub, Ibrahim, Ismaïl et Ishaq est le même, donc leur religion est la même, donc qu’on soit descendant d’Ibrahim par Ishaq ou par Ismaïl cela ne change rien du tout. Malgré tous ces arguments, très peu de juifs se convertirent à l’Islam

2 Donner le contre exemple

L’autre raison de citer les fils d’Israël est de les donner en exemple aux musulmans pour ne pas les suivre dans leurs erreurs. Nous avons cité dans les cinq histoires les désobéissances des juifs, leurs péchés très graves, leur manque de respect envers leurs prophètes et leur entêtement. Tout cela pour dire aux musulmans : vous avez cru en Allah et au prophète, il va falloir obéir et suivre les ordres et ne pas faire comme les juifs qui avaient cru et sciemment désobéi sachant qu’Allah et son prophète leur donnaient des ordres. Ils disaient : « Nous avons entendu et nous désobéissons » : nous avons très bien compris ce que tu nous dit et ce qu’Allah nous demande et nous ne sommes pas d’accord et nous n’allons pas le faire.

Ces exemples s’adressent essentiellement aux nouveaux convertis à Médine, car les mouhajirins ont subi les tortures et les persécutions pendant des années et ont abandonné leurs vies à la Mecque pour émigrer pour l’Islam, donc ce n’est pas eux qu’Allah motive à suivre les ordres. Quand le prophète (s) émigra de la Mecque à Médine, environ 80 et quelques mouhajirins émigrèrent avec lui ; et quand le prophète (s) arriva à Médine, il y avait déjà 500 convertis parmi les médinois car le prophète (s) avait envoyé un an à l’avance Mosâab Ibn Oumayr pour prêcher et préparer le terrain et les 500 convertis étaient le résultat de son effort. Avec l’arrivée du Prophète (s) les autres arabes aussi vont se convertir comme nous l’avons mentionné. Donc c’est pour tous ces nouveaux convertis qu’Allah dit de ne pas faire comme les juifs et d’obéir aux ordres.

III LA PIETE : TAQWA

De quels ordres s’agit-il puisqu’à la Mecque il n’y avait pas beaucoup d’ordres, mais essentiellement l’enseignement de la foi et du comportement ? C’est donc maintenant qu’Allah va donner les ordres : « Faites bien les prières et la prière du milieu », « Accomplissez la prière et acquittez la zakat », « Le jeûne vous a été prescrit », « Complétez le pèlerinage et la Omra pour Allah », « Combattez dans la voie d’Allah ceux qui vous combattent » etc. Donc le thème de la Baqara est l’apprentissage de la piété, comme Allah l’annonce en début de sourate : « ALM. Ce Livre, il n’y a pas de doute en lui, il est une guidée pour les pieux ». Quelle est la piété ? comment l’acquérir ? C’est l’objet de la sourate.

Je voudrais d’abord préciser le sens du terme « taqwa ». Cela signifie la protection, comme un bouclier ou une armure. « Ittaqi Allah » signifie protège-toi d’Allah, fais le nécessaire pour qu’Allah ne te punisse pas. La notion de crainte y est, mais on ne peut limiter le sens de la taqwa à la crainte. On dit aussi : « ittaqi nnar » : protège-toi du feu, ou dans le hadith : « fattaqou donya wattaqou nnisa » : protégez-vous (de la tentation) de ce bas monde et des femmes, et là il n’y a pas de notion de crainte. Donc la taqwa désigne tout ce qui doit être fait pour échapper à la punition d’Allah et je trouve que le mot le plus adapté est « piété ».

Sourate Baqara contient 286 versets et la taqwa y est citée 38 fois, soit en moyenne tous les 7 ou 8 versets. La Baqara contient deux définitions de la taqwa. La première est une liste exhaustive des conditions à remplir pour être parmi les mouttaqin – les pieux : « Le bien ne consiste pas à diriger vos visages vers l’est ou l’ouest, mais le bien c’est croire en Allah, Ses anges, Ses livres, Ses messagers et au Jour Dernier, donner son argent pour Son amour (ou malgré l’amour de l’argent) aux proches, aux orphelins, aux misérables, au voyageur démuni, aux mendiants et pour affranchir les esclaves, accomplir la prière et s’acquitter de la zakaat, respecter ses engagements, patienter dans la pauvreté, la maladie et le combat. Ceux-là sont les véridiques et ceux-là sont les pieux – mouttaqin » (176). C’est très clair : remplissez ces conditions et vous serez parmi eux.

La deuxième définition est une définition négative : ce qu’il faut laisser pour être parmi les mouttaqin. Cette définition tient en deux versets : « Telles sont les limites d’Allah, ne les outrepassez pas ; quiconque outrepasse les limites d’Allah ceux-là sont les injustes » (227) et : « Telles sont les limites d’Allah, ne les approchez pas ; ainsi Allah explique Ses signes aux gens afin qu’ils soient pieux – mouttaqin » (186). Si on outrepasse les limites d’Allah en commettant les péchés, on est parmi les injustes et on s’expose à la colère et la punition d’Allah. Mais pour arriver à la taqwa, il ne suffit pas de laisser les péchés, il ne faut même pas s’en approcher. C’est-à-dire que toute chose, action, lieu, personne, qui te rapproche des péchés, tu sens la tentation, tu te vois approcher du péché, tu sens le risque, tu dois l’éviter et le fuir et pas te contenter de dire que tu ne fais pas le péché ; c’est la condition pour être parmi les mouttaqin, comme a dit le prophète (s) : « Une personne ne sera pas parmi les mouttaqin jusqu’à ce qu’elle laisse ce qui ne comporte pas de mal par crainte de ce qui comporte un mal ».

Dans sourate Baqara, parmi les composantes de la taqwa, il y en a trois qu’Allah mentionne longuement.

1 La foi

La foi – imane - fait partie de la taqwa puisqu’Allah dit : « Une guidée pour les pieux qui croient au Caché », c’est même la première composante de la taqwa. En matière de foi, nous avons déjà cité les cinq histoires où Allah ressuscite les morts. Vous voyez que comme apprentissage pour les nouveaux convertis Allah a bien insisté sur Sa puissance. Mais il y a de nombreux autres éléments de la foi dans la Baqara. Par exemple, Allah dit : « Evoquez-moi je vous évoquerai ». Comment ne voudrais-tu pas qu’Allah te mentionne en bien, comme un patron qui félicite un employé devant tous les autres, ou même s’il est seul et qu’il se dit que c’est un très bon employé qui a fait du très bon travail et qui mérite vraiment d’être encouragé. Mais les félicitations d’Allah ne sont pas des paroles sans actes : elles sont suivies de bénédictions divines au-delà des espérances et des demandes.

Citons encore le verset : « Il y en a parmi les gens qui achète sa personne pour la satisfaction d’Allah » révélé pour Souhayb Arroumi. Il était un arabe qui avait vécu chez les romaines, pour cela on l’appelait le romain. Quand il voulut émigrer des jeunes armés de Qouraych lui barrèrent la route et dirent : « Tu es venu ici les mains vides, si tu veux partir tu peux aller mais tu ne peux rien emporter avec toi » alors qu’il avait travaillé pour gagner ce qu’il avait. Il dit : « Si vous voulez m’empêcher de partir je vais vous lancer toutes mes flèches et vous savez que je suis le meilleur archer parmi vous, puis je me battrai avec mon sabre jusqu’à ma mort. Mais si vous voulez l’argent, je vais vous dire où j’ai mis mon argent ». Il leur indiqua et ils le laissèrent partir. Arrivé à Médine, le verset précité avait été révélé pour lui et le prophète (s) l’accueillit en disant : « La vente est gagnante, Abou Yahya, la vente est gagnante » pour avoir donné son argent pour acheter sa personne. Nous ne pouvons pas nous mettre à la place des sahabas mais il n’y a pas de doute quand on est dans le rang de prière et tel, tel et tel ont des versets qui ont été révélés pour eux car ils ont accompli des actes héroïques, chacun se dit : « Moi aussi, qu’est-ce que je peux accomplir d’extraordinaire pour qu’Allah et Son messager soient contents de moi et peut-être que le Coran sera aussi révélé pour moi ? » Les sahabas étaient donc dans une concurrence extraordinaire pour la foi et la piété.

2 L’argent

Le deuxième élément qui prend beaucoup de place dans la Baqara est l’argent. Effectivement, pour beaucoup, l’argent est le frein à la religion : leur piété s’arrête là où l’argent commence, et tant qu’on croit fermement dans son cœur que c’est l’argent qui résout les problèmes et que la clé de la réussite dans cette vie est l’argent, la foi ne rentrera pas dans le cœur et la pratique restera superficielle. Allah donne déjà trois interdits au sujet de l’argent. Le premier est la triche, dans la sourate « les Tricheurs » mais nous la comptons car nous sommes dans la même période éducative et législative. Donc quel que soit le travail que tu fais, fais-le honnêtement et consciencieusement pour que l’argent que tu gagnes soit bien mérité, que les personnes soient satisfaites et qu’il n’y ait aucun défaut caché. Le deuxième interdit est la corruption : « N’usurpez pas les biens des autres frauduleusement en donnant une partie aux gouvernants » (187). Je ne vais pas m’étaler sur ce sujet, mais si vous êtes dans un pays où la corruption est normalisée et généralisée, restez honnête quoi que les gens fassent, refusez les cadeaux ou aides de vos proches qui vivent de la corruption, interdisez cela à vos subordonnés et contrôlez-les, dénoncez ceux que vous ne pouvez pas commander, et faites tout le possible pour que ça change. Nous parlons de foi, de Coran et de piété, pas d’histoires pour se distraire. Il faut appliquer ce qu’Allah dit et changer sa vie pour devenir celui qu’Il attend de nous, et non suivre la voie des fils d’Israël qu’Allah nous préserve. Le troisième interdit lié à l’argent est l’usure ou les intérêts. Allah l’interdit en des termes très durs : « Ô vous qui avez cru, craignez Allah et laissez le restant de l’usure si vous êtes croyants. Si vous ne faites pas, sachez qu’Allah et Son messager vous déclarent la guerre » (278). Mon frère, ma sœur, tu veux faire la guerre à Allah et son prophète ? Alors laisse le crédit à intérêts. Allah annonce : « Allah détruit l’usure et multiplie les aumônes ». Tu ne gagneras jamais avec l’argent du crédit, aussi bien celui qui prête que celui qui emprunte, c’est Allah qui détruira cet argent. En même temps dans la Baqara Allah dit : « Ils t’interrogent sur l’alcool et les jeux de hasard, dis : il y a beaucoup de mal et des utilités pour les gens, et leur mal est supérieur à leurs utilités » et Allah n’a pas voulu encore l’interdire mais juste le déconseiller, alors qu’Allah a formellement interdit l’usure. Dans notre culture, nous considérons grave de boire l’alcool mais presque normal de prendre des crédits à la banque alors qu’en Islam c’est bien plus grave. Ces dernières années plusieurs institutions de microfinance islamique efficaces ont vu le jour en Afrique et je veux seulement dire que ce n’est pas trop compliqué et c’est bien plus performant que les banques classiques, il est donc du devoir des musulmans collectivement de mettre en place de telles structures, et une fois qu’elles seront présentes il ne sera plus autorisé de recourir aux banques classiques.

Ensuite Allah parle beaucoup de l’aumône et de dépenser pour Allah dans sourate Baqara, mais je veux citer une seule phrase : « wa mimma razaqnahoum younfiqoun – de ce que Nous leur avons donné ils dépensent ». Beaucoup de musulmans n’ont pas compris cette phrase. Ils se disent : « Si Allah me donne beaucoup d’argent, que j’ai fini de régler mes problèmes, que j’ai assuré mon avenir et l’avenir de mes enfants, et que j’ai encore de l’argent, alors je vais donner pour les mosquées, les madrassa etc. » Ce n’est pas ce qu’Allah dit. Allah dit : « de ce que Nous leur avons donné ils dépensent ». Quelle que soit ta situation, Allah t’a donné quelque chose, et il y a des gens qui ont moins que toi ; Allah attend de toi que tu prennes un peu dans ce qu’Allah t’a donné pour leur donner et aussi que tu prennes un peu pour dépenser pour la cause de l’Islam car c’est notre responsabilité à tous. Quand tu feras cela, Allah multipliera ton argent car c’est à Lui que tu donnes. Et quand tu en auras plus, tu donneras plus et Allah te donnera encore plus ; et voilà la voie de la richesse et de la foi ! Donc si tu veux appliquer ce verset, chaque fois que tu gagnes de l’argent donnes-en une partie pour Allah ; ne rate jamais cela et ce verset témoignera pour toi au jour Dernier in cha Allah.

3 Les femmes

Le troisième sujet longuement mentionné dans la Baqara est les femmes. Avant l’Islam les femmes n’avaient aucun droit et ne jouissaient d’aucune considération. Pour preuve, les femmes étaient héritées par les enfants de leurs maris – pas ses propres enfants ; donc on hérite des épouses de son père comme des chameaux de son père, le premier qui jette son habit sur sa marâtre l’emporte. Il se passa à Médine qu’un homme se fâcha sur sa femme. Il lui dit : « Je te divorce ! Quand tu vas presque finir tes trois mois je vais te reprendre et je te divorce encore. Et je ferais ça chaque fois pour que tu restes suspendue ! » La femme se plaignit au prophète (s) et Allah révéla : « Le divorce est deux fois ; puis vous les gardez avec la bonne manière ou vous les libérez généreusement » et Allah donna les différentes règles du divorce, toutes en faveur de la femme car l’homme était celui qui régnait en maître absolu et n’a pas besoin qu’on le défende pour lui donner ses droits. Dans ces règles Allah dit : « Et elles ont autant de droits qu’il leur incombe de devoirs selon les bonnes manières, et les hommes ont un degré au-dessus d’eux ». Voyez-vous ? Dès la première législation pour les femmes Allah établit ce principe qu’elles ont autant de droits que de devoirs, selon les bonnes manières car ce n’est pas la loi qui peut intervenir chaque fois dans le couple, et les hommes ont un degré au-dessus : c’est l’homme qui a l’autorité dans le foyer.

Allah dit encore : « Elles sont des habits pour vos et vous êtes des habits pour elles » : pour exprimer la complémentarité, le besoin de chacun envers l’autre, l’apaisement et le bonheur que chacun trouve avec l’autre, et non une relation de domination, de contrainte et d’écrasement, une relation à sens unique. Et Allah dit encore : « Vos femmes sont un champ de labour pour vous ». Cette image est riche de sens. Pour avoir une bonne récolte, il faut choisir la meilleure terre, puis s’en occuper en débroussaillant, en enlevant les pierres, en amenant les meilleures semences, en apportant les fertilisants et l’eau etc. Ainsi, si vous voulez de bons enfants, il faut investir sur vos épouses pour qu’elles soient en bonne santé et en bonne forme, pour qu’elles soient intelligentes et cultivées, pour qu’elles connaissent et pratiquent bien la religion ; tout ce que vous allez investir dans vos épouses vous le trouverez dans vos enfants. Par ailleurs, si tu as bien travaillé et que ton champ t’a donné une bonne récolte cette année, l’année prochaine il faudra refaire le même travail et toute ta vie ; ainsi ta femme tu vas toujours travailler à l’améliorer et à améliorer ton couple.

Il en résulte que les femmes étaient extrêmement heureuses de l’Islam ; elles n’avaient jamais espéré ou pensé obtenir un tel statut. Et les femmes encourageaient leurs maris à suivre l’Islam puisque si ton mari est un bon musulman il sera plus gentil avec toi. Et elles enseignaient ce qu’elles apprenaient à leurs enfants. Du coup les hommes n’étaient pas tiraillés entre l’envie de suivre la religion et la famille qui tire dans l’autre sens : ils étaient libres de donner leur temps pour la religion ou de partir au combat, même s’ils mouraient la religion continue derrière eux. Donc les hommes et les femmes avançaient de façon égale dans la religion. Dans plusieurs pays en Afrique les femmes sont maltraitées et les occidentaux au nom des droits de l’Homme essayent d’imposer leurs solutions aux gouvernements locaux en conditionnant leurs aides. La solution de l’Occident est de donner les droits et le poids à la femme contre l’homme et cela mène à la situation de divorces et de débauche telle qu’elle existe chez eux. La solution de l’Islam est d’éduquer les hommes à bien traiter les femmes et respecter leurs droits ; les imams et prédicateurs doivent intégrer cela à leur mission.

LA CONCLUSION

La sourate Baqara s’est finie avec une épreuve, comme toute formation s’achève avec un examen de passage, mais cette épreuve n’est ni écrite ni orale, elle est réelle. Allah révéla : « A Allah appartient ce qu’il y a dans les cieux et dans la terre, et si vous montrez ce qu’il y a en vous ou que vous le cachez, Allah vous en demandera des comptes ; Il pardonnera à qui Il voudra et châtiera qui Il voudra ». Cela signifie qu’Allah nous interrogera au Jour Dernier sur nos pensées et nos émotions : pourquoi as-tu pensé cela ? Pourquoi as-tu ressenti cela ? onc nous avons l’obligation de contrôler nos pensées pour ne rien penser de mal. Les sahabas vinrent chez le prophète (s) et tombèrent à genoux. Ils dirent : « Ô messager d’Allah ! Les versets de la prière, de la zakat, du jeûne et du jihad t’ont été révélés et nous les avons appliqués. Mais Allah t’a descendu ce verset et nous n’arrivons pas à l’appliquer ». Cela signifie que quand ce verset – le troisième avant la fin de Baqara fut révélé, les sahabas avaient déjà appliqué toute la Baqara depuis le début ! Tous ces enseignements, toutes les conditions de la piété étaient intégrés à leurs vies ! Et ils ont essayé d’appliquer ce verset : je me lève le matin, il ne faut pas que je pense à aucune mauvaise chose, je marche en faisant du dhikr, je vois quelqu’un, je me dis : « Mais qu’est-ce qu’il est gros ! » Astaghfirou Allah ! Pourquoi j'ai pensé à ça ? La hawla wa la qowata illa billah ! Je recommence le dhikr. Hé, elle est mignonne celle-là. Astaghfirou Allah ! La hawla wa la qowata illa billah ! Je recommence… Et les sahabas ne réussirent pas à le faire. Ils commencèrent à discuter entre eux : « Mais mon frère, comment tu as fait pour ce verset ? » « Wallahi, je n’arrive pas à le faire, depuis qu’il est révélé j’essaye », « Moi aussi je n’arrive pas », et ils virent que personne n’a réussi à le faire. Ils vinrent donc en délégation chez le prophète (s) pour lui dire qu’ils n’arrivaient pas. Il dit : « Quel verset ? » Ils citèrent le verset et le prophète (s) se fâcha : « Comment ?! Vous voulez faire comme les gens du Livre avant vous et dire : nous écoutons et nous désobéissons ?! Non, vous allez dire : nous écoutons et nous obéissons, pardonne-nous notre Seigneur, vers Toi nous retournerons ! » Après tous les exemples des désobéissances des juifs, après tout ce que nous avons appris et traversé, vous voulez me faire la même chose qu’ils ont faite avec leurs prophètes ? Ca ne se passera jamais comme ça. Et le prophète (s) s’est bien fâché après eux. Les sahabas se sont alors soumis, ils ont accepté l’ordre et demandèrent le pardon d’Allah. Allah révéla alors : « Le messager a cru à ce qui lui a été révélé de son Seigneur ainsi que les croyants ». Allah les nomma « les croyants » et Allah cite leur foi avec joie et fierté : Regardez ces hommes, tout ce que vous avez lu depuis le début de Baqara à la fin, ils l’ont appliqué, et Nous avons ajouté un verset impossible à faire et ils l’ont accepté ! Allah a laissé ce témoignage dans la sourate pour les musulmans jusqu’à la fin des temps. Et que signifie qu’ils ont eu foi – imane – dans ce qui a été révélé ? Ca ne signifie pas juste qu’on sache que ça vient d’Allah, ce Coran est devenu leur mode de vie, leur principe, leur croyance… Vous voyez la carte SIM du téléphone ? La foi dans le Coran est que tu vas enlever la carte SIM qui est dans ton cerveau pour mettre le Coran à la place !

Puis Allah révéla : « Allah ne charge une personne que de ce dont elle est capable : à elle les actes qu’elle a acquis et contre elle les actes qu’elle a commis », et Allah ne compte que nos actes, pas nos pensées ou nos intentions ou nos émotions. Et Allah leur donna les invocations en cadeau.

Voilà comment en environ un an et demi les nouveaux convertis apprirent la piété. Nous comprenons pourquoi Allah a placé la Baqara en début du Coran (mis à part la Fatiha qui est le résumé de tout le Coran) : pour apprendre la piété d’abord. Les mouhajirins avaient appris la piété depuis la Mecque, mais cette méthode n’est plus possible : on ne peut pas dire aujourd’hui je vais apprendre la piété comme à la Mecque sans faire les cinq prières, sans faut obligatoirement passer par les ordres d’Allah pour apprendre la piété.

Je vous invite donc à méditer sur le fil conducteur de chaque sourate et sur la construction du Coran entre les sourates.

Qu’Allah nous accepte et nous guide et nous augmente de Sa science et Ses dons.

VIDEO QUI ILLUSTRE CE SUJET (EN DEUX PARTIES) :